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L'injonction de passer à l'acte.

En story Instagram, je vous ai demandé de choisir le sujet de la prochaine newsletter, et c’est celle d’aujourd’hui : la pression mise sur la première fois. C’est intéressant parce que lorsqu’on parle de vaginisme, on parle souvent de l’éducation stricte et de la culpabilité à prendre du plaisir qui en découle. Dans les interviews et articles de journaux, c’est le seul angle abordé : on souffre de vaginisme quand on considère inconsciemment que le sexe c’est mal. Pourtant la première fois que le vaginisme a été représenté à l’écran, ce n’est pas cet angle qui a été choisi. Le personnage de Lili dans Sex Education ne fait pas du vaginisme parce qu’elle veut rester vierge. Au contraire, elle souhaite passer à l’acte au plus vite. Dans cet article, je vais traiter de cette pression qui non seulement cause du vaginisme mais suscite aussi un sentiment de découragement lorsqu’on en fait déjà. (On ne parlera pas d’éducation ou d’interdits religieux mais bien du regard de la pop culture, de l’entourage, de la politique sur nos sexualités). Interdiction et injonction : la double peine.Ce qu’il y a de paradoxal quand tu grandis en tant que femme dans notre société, c’est qu’on te colle deux injonctions : rester vierge le plus longtemps possible et perdre ta virginité quand c’est le moment. Si tu passes à l’acte trop tôt, tu es qualifiée salope du collège mais si tu le fais trop tard, tu es la vieille fille. Le problème c’est que le bon moment n’existe pas. Dans les séries teenagers, c’est entre 17 et 18 ans avec la première personne que l’on aime vraiment. Dans la vraie vie, c’est souvent plus compliqué. En faisant mes recherches, je me suis rendue compte que cette double injonction n’a pas toujours existé : elle vient du contexte post-révolution sexuelle des années 1970. Jusque-là, le sexe était tabou et fortement prohibé. Il ne fallait pas s’y connaître, ne pas en parler et le faire seulement dans le cadre de la procréation. La révolution sexuelle brise ce cloisonnement. Désormais le sexe est un sujet, il est représenté et il fait vendre. C’est de cette dernière affirmation que vient le problème. Le sexe devient un objet capitaliste par lequel il faut performer. Dans les affiches publicitaires, le sexe est un outil de promotion. Et la sexualité elle-même devient un marché (sextoys, lingerie, aphrodisiaques, livres de conseils sexo). C’est ce que j’observe avec mes réseaux sociaux. Je donne des conseils pour soigner le vaginisme et palier à d’autres dyspareunies, et des marques s’intéressent à mon travail comme un espace de publicité (avec les fameux placements de produit). Parce qu’aujourd’hui on veut tous s’y connaître, tester le plus de choses possibles, donner et recevoir plein orgasmes… Les autrices de l’essai La Charge Sexuelle le résume assez bien : "Si l'on devait résumer la pression des années 2020, le credo serait plutôt de réussir sa vie sexuelle et d'être à tout prix un bon coup. Elles citent également la réalisatrice Ovidie : "On est passé de l'interdiction à l'injonction." Personnellement, je nuancerai ces propos parce qu’ils sous-entendent que l’interdiction a disparu. Je pense plutôt que les deux cohabitent et qu’il est plus difficile encore de s’y retrouver. Une sexualité performative. Le problème avec cette nouvelle représentation de la sexualité, c’est que ta valeur dépend de tes performances. Du point de vue de l’estime personnelle, ça cause des dégâts. Le sexe devient une sorte de compétition avec évaluation et lorsque tu échoues à performer comme les autres (en ayant des douleurs par exemple), tu te remets en question. C’est pour cette raison que beaucoup de personnes souffrant de vaginisme observent leur confiance baisser à mesure que le trouble s’installe. Les douleurs à répétition favorisent le sentiment de ne pas être assez bien, de ne pas réussir ce que d’autres accomplissent sans se poser de question. Or c’est un cercle vicieux. Un corps qui doute, qui stress, n’est pas un corps qui désire. Pour être bien dans sa sexualité, il faut essayer de se détacher des critères, des attentes que l’on pose socialement dessus. Ce détachement est un processus : il est difficile voire impossible de s’extraire complètement aux exigences sexuelles avec lesquelles on a grandi. Mais ça peut être libérateur de les interroger et de les mettre à distance. + de pression = - de plaisir. Le dicton mieux on veut faire, moins on fait peut s’appliquer à ce sujet. La pression à passer à l’acte peut causer du vaginisme pour plusieurs raisons. Le vaginisme peut être une réaction à la double injonction (rester vierge et être actif sexuellement). Dans ce cas-là, l’inconscient exprime corporellement un paradoxe interne. Le vaginisme peut être une réaction à la pression que tu te mets sur les épaules. Si tu as trop envie de bien faire, ton corps peut percevoir la sexualité comme il percevrait un examen : une échéance angoissante. Cette pression peut aussi renforcer un vaginisme déjà existant. Je t’explique les deux processus dans les schémas ci-dessous.



So, on retient quoi ? Notre société valorise énormément une certaine vision de la sexualité. La sexualité pénétrative est mise de côté, il faut avoir des pratiques variées, la libido des deux partenaires se doit être élevée et accordée. La pression pour être un bon coup peut provoquer du vaginisme : ton corps désire difficilement quelque chose qui l’angoisse. Elle peut aussi te décourager lorsque tu en fais déjà. L’impression de rater ta vie de couple, de ne pas être assez bien, de ne pas satisfaire ton/ta partenaire… Tous ces ressentis négatifs nuisent à ta guérison à mesure qu’ils viennent grignoter ton estime personnelle. Se soigner, c’est faire le cheminement inverse : relâcher la pression, dissocier sa valeur de sa sexualité, se poser des questions sur son désir et son absence de désir. La sexualité n’est pas censée être un domaine de performance, mais bien celui d’une exploration. à la semaine prochaine, xoxo, Maelle Bizet Sablé.

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