Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu la flemme de guérir. Je le voyais comme une punition, un effort. C’était quelque chose que je n’avais pas envie de faire. Même les exercices les plus simples ne m’enthousiasmaient pas. Le fait que cela soit pour mon bien m’importait peu, j’ai donc cherché à comprendre pourquoi…
Le manque de temps et de moyen.
La cause de procrastination la plus classique et la plus répandue est le manque de temps. Les personnes concernées ont du mal à s’accorder un moment consacré exclusivement à la compréhension de soi ou aux tentatives de pénétration. D’une part, parce que c’est quelque chose qu’elles n’ont jamais fait et qu’on ne leur a jamais appris à faire. D’autre part, parce que guérir du vaginisme paraît encore nébuleux. Les femmes racontent qu’elles ont parlé à une psychologue, qu’elles ont fait des exercices, qu’elles ont respiré, mais concrètement tout ça c’est des conseils qui marchent pour toutes les maladies. Le vaginisme a un aspect mental qui est difficilement cernable, et le fait que la contraction physique soit involontaire rend le trouble d’autant plus intouchable. Au manque de temps s’ajoute donc un manque de moyen, une incertitude quant à la marche à suivre. Elles se retrouvent donc à procrastiner parce qu’elles n’ont que très peu de pistes. Mais ce manque est loin d’être l’unique raison.
Quand l’esprit et le corps disent non.
Les femmes vaginiques se confrontent à deux sources de blocage : le corps et l’esprit. Il faut avoir en tête que chacun exerce son frein. Trop souvent, les tentatives de guérison se concentrent sur l’un des aspects ou – désirant bien faire – sur la relation esprit corps. L’esprit agit effectivement sur le corps et peut le bloquer, lorsqu’il a identifié une situation qui lui paraît stressante ou dangereuse. Les croyances limitantes, les préjugés, les principes personnels sont des facteurs régulièrement mis en avant lorsqu’on parle de vaginisme. Mais de fait, la relation inverse existe également, et sa non-prise en compte a des conséquences pour les personnes atteintes de vaginisme. Pour faire simple, le processus se déroule schématiquement de la sorte : le corps enregistre la douleur et se ferme. L’esprit se rappelle des signaux d’alarmes envoyés par le corps lors des précédents exercices, et choisit de ne plus réitérer l’expérience. Les personnes ayant fait l’objet d’agressions sexuelles sont d’autant plus susceptibles d’être concernées par ce phénomène, mais elles ne sont pas les seules. Un cycle peut alors se mettre en place. La femme vaginique craint la pénétration et son périnée se contracte, la pénétration devient alors douloureuse. Ce qu’elle retient ce n’est pas d’avoir éprouvée une forme de peur ou d’appréhension avant la pénétration. Non, ce qu’elle retient c’est la douleur, et cette douleur devient un motif de fermeture pour l’esprit. Ce dernier refuse ce qu’il sait dangereux, et la femme vaginique matérialise ce refus par la procrastination. Même si ce phénomène est répandu, il reste qu’un facteur de procrastination parmi d’autres.
La peur de l’échec, la peur du succès.
Les deux facteurs essentiels sont la peur de l’échec et la peur de succès. Si la première peur est régulièrement évoquée, la seconde, elle, ne l’est jamais. La peur de l’échec est facilement identifiable, et compréhensible pour les personnes qui ne sont pas concernées : c’est le souvenir de ne pas y être arriver, la volonté de ne pas faire face à ses propres limites. C’est un sentiment d’insécurité face à soi-même, et au fait que potentiellement on ne puisse pas se contrôler. La femme vaginique n’a pas envie de se rendre compte de son blocage. L’expérimenter est quelque chose de douloureux, tant physiquement que mentalement. Elle peut se décourager à la suite d’échecs, et procrastiner car chaque essai lui apparaît fatalement perdu d’avance. Et la peur du succès dans tout ça ? Cette dernière reste taboue pour la plupart des personnes atteintes de vaginisme et pour celles qui s’emploient à les soigner. Et pour cause, qui pourrait craindre la guérison ?
Guérir c’est trahir.
La femme vaginique peut au fond d’elle redouter que son blocage disparaisse. Elle n’a ni envie d’échouer, ni envie de réussir. Parce que le vaginisme la définit, il est en quelque sorte sa particularité, sa protection. Peu importe la façon dont elle y renonce, elle a l’impression que c’est trop simple, trop tôt. Évidemment, ce n’est qu’une impression inconsciente, car elle ressent la douleur, les efforts, à chaque essai. Mais une petite voix intérieure la berce d’affirmations contraires. L’art du vaginisme est de culpabiliser celles qui essayent d’en sortir, en leur faisant croire que guérir c’est les trahir. Trahir tant leur principe, que leur mère, leur éducation, leur image sociale, au fond c’est se trahir soi-même que de guérir. Et cette trahison est insupportable. La peur de ne plus avoir mal est bien présente, et difficile à assumer. C’est incompréhensible pour quelqu’un qui n’est pas concerné de faire face à un malade qui ne désire pas se soigner. C’est inscrit dans la fonction. Le malade a l’impératif de désirer plus que tout la guérison, l’impératif d’en sortir. Souvent, la femme vaginique elle-même n’en a pas conscience, c’est pour cette raison qu’elle procrastine. Inconsciemment, repousser à plus tard, lui permet d’être en accord avec ce vaginisme. Plus le vaginisme est ancien, plus procrastiner revient à être en accord avec soi. Après une agression, cette défense peut être une façon de reprendre en main son corps, de refermer ce qui a été ouvert par la force.
Le vaginisme n’est pas qu’un mal, il est aussi une protection. La seule façon trouvée par l’inconscient pour dire non.
La femme vaginique peut être touchée par l’une des formes de procrastination mentionnée ou par l’ensemble d’entre elles. L’important pour en sortir est de mettre des mots dessus, de comprendre ce qui freine, et d’adapter la lutte.
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